Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

samedi 4 novembre 2017

La Serrure et la Clef


Une réflexion partagée, sur les bords d'un monde finissant, qui ondoyait le long d'une Seine paresseuse où miroitaient des rêves d'océan. L'amorce d'une pensée qui se voulait tisser au rythme des pas sur le profilage d'un chemin. La vision d'une porte, tout là-bas. D'un Ailleurs possible. Les mots se posaient, tels des petits cailloux blancs. Mais le Retour ne se ferait pas en sens inverse...

Blason de la famille de Lacarry (Armagnac)


Le monde est ce qu'il est... Sauf que le monde, c'est une personne, plus une personne, une autre, encore et encore... Le monde n'est qu'une abstraction. Seule la personne est réelle. Tu l'as déjà rencontré, le monde ? Non. Tu ne rencontres et ne peux rencontrer que des personnes. Même le plus petit groupe n'est qu'une abstraction. On ne peut regarder dans les yeux qu'une personne à la fois.

Maintenant que tu le dis... c'est ma foi vrai ! Je n'y avais jamais pensé.

Et quand tu regardes un objet, un paysage ou n'importe quoi d'autre, que constates-tu ? Fais-le voir et sois attentive à ton regard... Qu'observes-tu ?

Que mon regard bouge sans cesse...

Très juste. Il passe sans cesse d'un point à un autre. Si tu le bloques, tu continues de distinguer mais sans voir. Si tu persistes, tu ne vois bientôt plus rien. Parce que tu rentres en toi-même. Il y là comme un basculement.

Un peu comme quand on est dans ses pensées...


Oui. Le regard n'appréhende une forme que par un balayage continu d'un point à un autre de cette forme. Et qu'est-ce qu'un point ?

Une abstraction.

En effet, le point n'a aucune mesure, pas plus que l'instant n'a de durée. Tu te rends compte, Héloïse, que le réel, c'est-à-dire l'Ici-et-Maintenant, est une abstraction absolue...

Qu'est-ce que...

Ne cherche pas de signification. Laisse simplement agir cette pensée. Ne cherche pas à l'exprimer. Elle n'est qu'un voile. C'est indicible. C'est une expérience personnelle et unique. Sache simplement une chose : c'est là qu'est la Porte... Maintenant regarde moi dans les yeux... Que vois-tu ?

... Je me vois dans tes pupilles. Là encore, j'observe que je passe sans cesse d'une pupille à l'autre. À vrai dire, je ne te vois pas... car tu es derrière ces trous noirs...

Je dirais plutôt par delà. Idem quand je te regarde.

C'est étrange... tout nous renvoie à nous-mêmes...

Nous renvoie à nous-mêmes, d'un certain point de vue, et nous rend à nous-mêmes, d'autre point de vue. Le monde n'est qu'un miroir qui nous envoie sans cesse notre propre reflet.

Et nous place donc face à nous-mêmes. Et ce qui m'advient est à l'image de ce que je suis.

Et a donc lieu d'être. Tout a du sens et tout est signe donc signifiant. La synchronicité de ces signes est un fait. Simplement, elle nous échappe en grande partie parce que nous n'y prêtons aucune ou pas assez attention. Par manque de présence. L'éveil, c'est cela : la présence, une attention au lieu et à l'instant, c'est-à-dire au Réel. Ce qui Est. Le premier des sept grands principes du chamanisme dit que le monde est ce que nous croyons qu'il est. Que tout n'est que rêve et que tous les systèmes sont arbitraires. Le rêve renvoie à l'idée d'illusion, un mot très expressif, issu du latin ludus, « le jeu », qui a donné « illusion » et qui signifiait d'abord « ironie », au sens originel de « feinte », puis « tromperie ». Tromper quelqu'un c'est se jouer de lui. On pense ici au jeu des miroirs réfléchissant notre image trompeuse. L'arbitraire s'assimile à l'idée d'impermanence : tout étant composé, tout se décompose, irrémédiablement. Tout change tout le temps, d'instant en instant. Rien n'est absolument identique à soi-même ni aucun être à lui-même. L'impression de permanence n'est due qu'à une perception et une acuité limitées.

En quelque sorte, tout serait inédit, à tout instant, absolument... Si j'ai bien suivi, la Porte, celle qui nous conduit à notre propre résolution, et par là même à la compréhension et à la connaissance, se trouve dans la verticalité et la clef qui l'ouvre, c'est soi-même, pleinement présent...

Et nous en sommes également la serrure. Le tout, c'est de tourner cette clef dans le bon sens. Tout dépend de la tournure de l'esprit. 

En quelque sorte, une chose n'a que la valeur que je lui confère. Rien ne possède de valeur intrinsèque.

Parce que rien n'est chose en soi.

Que des points, que des instants... Ainsi, tout est dans la tournure de l'esprit... Dans l'intention...

C'est le cœur même de notre liberté. Ce libre arbitre-là, nous l'avons, j'allais presque dire en absolu. C'est là aussi le vrai sens de la conversion, au sens d'un passage d'un état de conscience à un autre.

À une religion ou d'une religion à une autre...

Une adhésion n'est pas une conversion. Mais elle est un moyen possible, privilégié même, lors qu'il est vécu en profondeur. Ce dont nous parlons n'est pas circonscrit, n'est pas contingenté, n'est pas localisé. À moins de prendre la notion de religion en son acception pure, c'est-à-dire sans connotation particulière et forcément réductrice : être relié. Originellement : aux dieux ; dans notre sens : au Réel. Dont nous savons qu'il est une croisée, en cet épicentre qu'est l'Ici-Maintenant.

Une croisée ?

Entre le plan horizontal – le monde terrestre et physique – et l'axe vertical, c'est-à-dire l'échelle d'élévation vers les plans supérieurs. La symbolique de la croix n'exprime pas autre chose. Te rappelles-tu la représentation de la Cybèle sur le trumeau du portail central de Notre-Dame ? 

La Philosphia perennis de Notre-Dame de Paris

... J'y suis ! La fameuse Philosophia perennis, la parêtre du Verbe, tenant une échelle appelée scala philosophorum, une figure qui symbolise les pieds sur terre et la tête dans les eaux supérieures... Attends, laisse-moi me souvenir... Elle tient également dans sa main droite deux livres, l'un qui est ouvert et l'autre qui est fermé.

Oui, le livre ouvert de l'exotérisme, c'est-à-dire de la connaissance destinée à tous, et celui, ésotérique, qui n'est accessible qu'aux initiés.

À ceux qui ont pris la voie ascendante indiquée par l'échelle et dont les barreaux représentent les différents degrés de la connaissance.

Oui. Et tu te souviendras aussi que le livre ouvert se trouve placé devant et le livre fermé, derrière...

Le révélé et le caché. Le message des pierres... Ces bâtisseurs étaient vraiment géniaux.

Géniaux et généreux. Ces hommes-là ont œuvré pour la durée. Ils vivaient avec une autre conscience du temps.

Nous voilà bien éloignés du désamour...

Pas tant que cela. Le désamour et tous les problèmes du monde ne sont que du fourvoiement. Un labyrinthe où les portes poussées et franchies ne mènent qu'à d'autres portes et ainsi de suite, sans fin. Et ce dédale, c'est nous qui le construisons. Repense au récit de la mythologie...

L'histoire du Minotaure... 


Blason d'Urmatt (Bas-Rhin, Alsace)


Le labyrinthe désigne la série de galeries construites par Dédale pour enfermer le Minotaure. Un des épisodes les plus intéressants du mythe évoque l'évasion de Dédale à l'aide d'ailes fabriquées de cire et de plumes. De la hauteur où il se trouve, il découvre la vue en plan de son labyrinthe. Ce n'est alors qu'il comprend la géométrie de l'édifice qu'il a lui-même construit et dont il n'a pu s'échapper que par la verticale.

Je commence à comprendre... Que symbolise le Minotaure ?

Le Minotaure naît de l'union de Pasiphaé et d'un taureau blanc envoyé par Poséidon, le dieu de la mer, l'élément liquide, qui représente la part d'inconscient chez l'homme – mais aussi le monde du rêve – régie par la Lune. Le Minotaure représente l'homme qui n'est pas encore entièrement sorti de son animalité, donc essentiellement mu par ses pulsions primaires ou son cerveau reptilien. D'où le tête de taureau, la tête étant le siège de la conscience. La créature hybride erre dans le labyrinthe, fonçant droit devant elle pour s'échapper de sa prison, tel l'homme ignorant, c'est-à-dire inconscient de lui-même, qui tourne en rond dans son obscurité intérieure.

L'ignorance... qui nous fait répéter les mêmes erreurs. Nous tournons en rond, revenant sans cesse sur nos pas...


© Marc Sinniger, La dernière Héloïse


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