Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

samedi 18 novembre 2017

Les Allégories du Jardin - Le Corbeau


Blason de Raben Steinfeld (Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Allemagne)

Allégorie 28 – Le Corbeau


     J’écoutais encore le discours de la bougie, me livrant en même temps aux idées voluptueuses qu’elle m’avait rappelées, lorsque j’entendis le croassement lugubre d’un corbeau qui, entouré de ses amis, annonçait la fatale séparation. Couvert d’un habit de deuil, et seul, au milieu des hommes, vêtu de noir, il gémissait comme celui qui est dans le malheur, et déplorait sa douleur cruelle. Ô toi, qui ne fais que te lamenter, lui dis-je alors, ton cri importun vient troubler ce qu’il y a de plus pur et rendre amer ce qu’il y a de plus doux. Pourquoi ne cesses-tu, dès le matin, d’exciter à la séparation, en t’adressant aux campements printaniers ! Si tu vois un bonheur parfait, tu proclames sa fin prochaine ; si tu aperçois un château magnifique, tu annonces que des ruines vont bientôt lui succéder ; tu es de plus mauvais augure que Cacher, pour celui qui se livre aux douceurs de la société, et plus sinistre que Jader, pour l’homme prudent et réfléchi.

     Le corbeau, prenant alors, pour se défendre, le langage éloquent et expressif de sa situation : Malheureux, me dit-il, tu ne distingues pas le bien d’avec le mal ; ton ennemi et ton ami sincère sont égaux à tes yeux ; tu ne comprends ni l’allégorie, ni la réalité ; les avis que l’on te donne sont pour toi comme le vent qui souffle aux oreilles, et les paroles du sage sont à l’ouïe de tes passions comme l’aboiement du chien. Eh quoi, tu ne réfléchis donc pas à ton départ prochain de la vaste surface de la terre pour les ténèbres du tombeau et pour le réduit étroit du sépulcre ! Tu ne penses pas à l’accident qui cause au père des hommes des regrets si cuisants ; aux prédications de Noé sur ce séjour où personne ne jouit d’un instant de repos ; à l’état d’Abraham, l’ami de Dieu, au milieu des flammes ou l’avait fait jeter Nemrod ! Tu ne sais point te régler sur les exemples instructifs que t’offrent la patience d’lsmaël, sur le point d’être immolé par son père ; la pénitence de David, qui pleura son crime si amèrement ; la piété exemplaire et l’abnégation du Messie ! Ignores-tu que le bonheur le plus parfait a un terme, et que la volupté la plus pure s’évanouit ; que la paix s’altère, et que la douceur devient amertume ! Quel est l’espoir que la mort ne détruise, la prudence que le destin ne rende vaine ! Le messager du bonheur n’est-il pas suivi de près par celui du malheur ! Ce qui est facile ne devient-il pas difficile ! Où trouve-t-on une situation immuable ! Quel est l’homme qui ne passe point ! Quelle est la fortune qui reste dans les mains de celui qui la possède ! Que sont devenus ce vieillard dont la longue vie étonnait, cet heureux mortel qui nageait dans l’opulence, cette beauté au teint de roses et de lis ! La mort ne vient-elle pas retrancher les hommes, les uns après les autres, du nombre des vivants ! Ne met-elle pas au même niveau, dans la poussière, le vil esclave et le maître superbe ! L’inspiration divine n’a-t-elle pas fait entendre au voluptueux, plongé dans le sein du plaisir, ces mots du Coran, où Dieu dit à Mahomet : Annonce que la jouissance de ce monde est peu de chose ! Pourquoi donc censurer mon gémissement et prendre à mauvais augure mon croassement plaintif, soit au lever de l’aurore, soit aux approches de la nuit ! Si tu connaissais ton bonheur véritable comme je connais le mien, ô toi qui blâmes ma conduite, tu n’hésiterais pas à te couvrir comme moi d’un vêtement noir, et tu me répondrais en tout temps par des lamentations ; mais les plaisirs occupent tous tes moments ; ta vanité et ton amour-propre te retiennent. Pour moi, j’avertis le voyageur que les lieux où il s’arrête seront bientôt ravagés ; je prémunis celui qui mange contre les mets nui- sibles du monde, et j’annonce au pèlerin qu’il approche du terme. Ton ami sincère est celui qui, te parle avec franchise, et non celui qui te croit sur parole ; c’est celui qui te réprimande, et non celui qui t’excuse ; c’est celui qui t’enseigne la vérité, et non celui qui venge tes injures ; car quiconque t’adresse des remontrances, réveille en toi la vertu lorsqu’elle s’est endormie ; et en t’inspirant des craintes salutaires, il te fait tenir sur tes gardes. Quant à moi, par la couleur obscure de mes, ailes et par mes gémissements prophétiques, j’ai voulu produire sur ton esprit les mêmes impressions ; je t’ai fait même entendre mon cri dans les cercles de la société. Mais on peut m’appliquer ce proverbe : Tu parles à un mort.

     Je pleure sur la vie fugitive qui m’échappe, et j’ai sujet de faire entendre des plaintes ; je ne puis m’empêcher de gémir toutes les fois que j’aperçois une caravane dont le conducteur accélère la marche. Les gens peu réfléchis me censurent sur mes habits de deuil ; mais je leur dis : C’est précisément par ce langage emblématique que je m’efforce de vous instruire ; je suis semblable au khathib, et ce n’est pas une chose nouvelle que les khathihs soient vêtus de noir. Tu me verras, à l’aspect d’un campement printanier, annoncer dans chaque vallée qu’il changera bientôt de place, et gémir ensuite sur les vestiges à demi effacés, me plaignant de la cruelle absence. Mais ce ne sont que des objets muets et inanimés qui répondent à ma voix. Ô toi qui as l’oreille dure, réveille-toi enfin, et comprends ce qu’indique la nuée matinale : il n’y a personne sur la terre qui ne doive s’efforcer d’entrevoir quelque chose du monde invisible. Souviens-toi que tous les hommes sont appelés plus tôt ou plus tard. Je me serais fait entendre, si j’eusse adressé la parole à un être vivant ; mais, hélas ! celui à qui je parle, est un mort.



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