Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

mardi 17 octobre 2017

Les Allégories du Jardin - Le Paon


Blason de Saint-Paul (Hautes-Pyrénées, Occitanie)

Allégorie 20 – Le Paon


          Je me tournai d’un autre côté, et je vis un paon, oiseau qui, après avoir vidé la coupe de la vanité, et s’être couvert du vêtement de la dissimulation, fut associé aux malheurs d’Éblis.* Des couleurs variées embellissent ses plumes ; mais sa vie est en proie à mille genres de douleurs, et il ne reverra jamais le paradis (Dieu en sait la raison). Oiseau malheureux, lui dis-je, combien le sort que le destin t’a réparti est différent de celui du hibou ! Le hibou porte son attention sur les qualités intérieures et réelles, et tu ne t’attaches qu’à ce qui est extérieur ; tu te laisses tromper par une folle sécurité, et tu ne places ta joie que dans ce qui est périssable.

          Faible mortel qui viens m’insulter, me répondit-il, laisse tes reproches, et ne rappelle pas à celui que le chagrin accable, ce qui lui a été ravi ; car il est dit dans la tradition : Ayez pitié de l’homme illustre qui a perdu son rang, et de l’homme riche qui est devenu pauvre. Je voudrais que tu m’eusses vu lorsque je me promenais dans Éden auprès des ruisseaux limpides et des grappes vermeilles qui l’embellissent ; et que, le parcourant dans tous les sens, j’entrais dans ses palais superbes et jouissais de la compagnie de ses échansons ravissants et de ses houris voluptueuses. Louer Dieu était mon breuvage ; célébrer sa sainteté, mon aliment ; je tins toujours la même conduite, jusqu’à ce que le fatal destin poussa vers moi Éblis, qui me couvrit du vêtement de l’hypocrisie, et changea en défauts mes plus belles qualités. J’eus d’abord horreur de ce qu’il me proposa ; mais, hélas ! le destin plonge, lorsqu’il le veut, dans le malheur et dans l’infortune, et fait fuir les oiseaux de leurs nids pour les livrer au chasseur.

          Quant à Éblis, il marchait fièrement, revêtu des habits célestes de la faveur de Dieu ; mais son mauvais destin finit par le porter à refuser avec orgueil de se prosterner devant Adam ; c’est précisément dans l’événement qui suivit ce refus, que j’eus, par malheur, quelques relations avec cet ange rebelle. Il m’entraîna dans le crime, me déguisant ce qu’il y avait de pervers dans son dessein ; et, pour tout dire, je lui servis d’introducteur dans Éden, tandis que, de son côté, le serpent machinait pour l’y faire entrer. Après l’événement, Dieu me précipita du séjour de la gloire dans la demeure de l’ignominie, avec Adam, Ève, Éblis et le serpent, en me disant : Voilà la récompense de celui qui sert de guide pour une mauvaise action, et le salaire que l’on mérite pour avoir fréquenté les méchants. Dieu me laissa mon plumage nuancé de mille couleurs, pour que cet ornement, me rappelant les douceurs de la vie que je menais dans Éden, augmentât mes regrets, mes désirs et mes gémissements ; mais il plaça les signes de sa colère sur mes pattes, afin qu’en y jetant sans cesse des regards involontaires, je me ressouvinsse de la violation de mes engagements. Que j’aime ces vallées, où tous les charmes de la nature semblent être réunis pour donner une idée de ce lieu d’où j’ai été chassé, et d’où mon destin malheureux m’a éloigné pour toujours ! Les jardins agréables me font souvenir des prairies printanières de mon ancienne habitation, sujet des larmes abondantes qui coulent de mes yeux ; et c’est alors surtout que je me reproche ma faute, et que je m’écrie en pensant à mon malheur :


          Séjour délicieux, puis-je espérer de te revoir jamais ! goûterai-je encore dans ton sein un instant de sommeil paisible, Habitants de ces lieux fortunés, lorsqu’au moment cruel de la séparation, je vous dis un dernier adieu, je fus sur le point de mourir de douleur et de tristesse ; n’aurez-vous donc jamais compassion de mon malheureux état ! Vous avez éloigné le sommeil de mes paupières, et vous m’avez uni de la manière la plus étroite à I’affliction : mon corps est loin de vous, mais mon esprit est au milieu de vos tentes; pourquoi ne pas permettre à mon corps de s’y réunir à mon esprit ! Lorsque je me rappelle les nuits délicieuses que j’ai passées avec ces objets ravissants, sous des pavillons protecteurs, si l’abondance de mes larmes ne soulageait ma peine, je mourrais consumé de désir. J’ai cru, dans mes rêveries, que vous me promettiez de venir voir votre ami fidèle ; hélas ! mon ardeur en a été accrue, et mon désir augmenté. Si je dois cet éloignement pénible a une faute dont j’ai pu me rendre coupable, que ma situation malheureuse soit aujourd’hui mon meilleur intercesseur ! Mais, hélas ! ces doux moments sont passés pour toujours, et mon partage doit être la soumission et la modestie.

          Pour moi, affligé des malheurs du paon, je répandis des larmes sur ses peines. Je sens, en effet, que rien n’est plus douloureux que l’absence, quand on a joui des avantages de la réunion la plus douce ; et que rien n’est plus triste que le voile qui cache des appâts adorés, après qu’on a eu le bonheur de les contempler à découvert.



* Nom d’un djinn particulier, un être créé de feu, qui refusa de se prosterner devant Adam.



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