Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

vendredi 13 octobre 2017

Les Allégories du Jardin - Le Hibou


Blason de la corporation des marchands de livres, d'art et de musique
(armoiries des coopératives industrielles viennoises, vers 1900)


Allégorie 19 – Le Hibou

          Le hibou, tristement retiré dans une masure solitaire, m’adressa, bientôt après, la parole en ces termes :

          Vrai et sincère ami, ne te fie pas au discours de l’hirondelle et, n’imite pas sa conduite ; car, quoiqu’on ne la soupçonne point de se nourrir des mets de votre table, il n’en est pas moins vrai qu’elle participe à vos plaisirs, à vos joies, à vos fêtes, et qu’enfin elle habite au milieu de vous ; or, tu sais que celui qui se fixe auprès d’une classe quelconque de gens, en fait partie par cela même, et que, n’y fût-il resté qu’un instant, il est dans le cas d’être interrogé sur ces personnes. Tu sais encore que, de même qu’une seule goutte est la source éloignée d’un torrent impétueux, de même la société est la source des crimes ; aussi ne doit-on pas y placer sa félicité. La paix et le bonheur ne se trouvent que dans la retraite ; ah ! celui qui s’y réfugie, n’a pas à craindre que l’envie l’éloigne de son emploi. Suis donc mon exemple et imite mon isolement ; laisse les palais somptueux et celui qui y fait sa résidence ; les mets délicats et celui qui s’en nourrit. Fais attention à ma conduite : je ne réside point dans vos demeures, et je ne suis jamais dans vos assemblées ; mais un creux dans un vieux mur est mon habitation solitaire, et je préfère, pour mon séjour, des ruines à des lieux soignés par la main de l’homme : là, loin de mes compagnons, de mes amis et de mes proches, je suis à l’abri des tourments et des peines, et je n’ai pas à craindre les envieux. Comment, en effet , celui dont l’habitation doit être un jour la poussière, peut-il demeurer avec les autres hommes ! Chaque jour et chaque nuit viennent empiéter sur sa vie et la détruire sourdement ; et il ne se contenterait pas d’une masure ! Celui qui a le bonheur de comprendre que la vie, qui paraît longue, est réellement si courte, et que tout s’avance vers la destruction, celui-là, au lieu de passer la nuit sur un lit voluptueux, prendra pour sa couche une natte dure et inégale, se contentera d’un pain d’orge pour toute nourriture, et ne goûtera que le moins possible des voluptés du monde, en se rappelant qu’une partie des créatures sera placée dans le paradis, et que l’autre sera précipitée dans l’enfer. Pour moi, j’ai jeté un regard sur la vie présente, et je l’ai vue en proie à la dévastation ; j’ai tourné alors mes yeux vers la vie future, et j’ai vu qu’elle s’approche rapidement. Me rappelant ensuite le compte terrible que Dieu fera rendre au jour de la résurrection, j’ai médité sur l’âme, et j’ai pensé au bien qu’elle peut faire et au mal dont elle peut se rendre coupable : c’est alors que, réfléchissant à ma situation et faisant une attention sérieuse à moi-même, j’ai conçu de l’éloignement pour un monde qui n’offre qu’un grand vide ; j’ai oublié ce que mes semblables ont droit d’attendre de moi, et ce que j’ai droit d’attendre d’eux ; j’ai abandonné ma famille et mes biens, et j’ai méprisé les châteaux élevés. Bientôt la foi écartant de la vue de mon intelligence le bandeau du doute, j’ai reconnu que ni joie ni plaisir ne demeure ; que tout périt, si ce n’est l’Être par qui tout existe. Je me suis élevé à la connaissance de cet Être, sans pouvoir pénétrer ce qu’il est : son image adorée est tout ce qu’aperçoivent mes yeux, et son nom béni, ce que prononce ma bouche.

          Pour cette divine amie j’ai quitté les hommes ; ce n’est qu’elle que je désire, qu’elle seule à qui je veux plaire. Pour elle , je m’isole de toute société, et, guidé par l’intention la plus droite, je m’abandonne à l’amour le plus pur. Je la verrai, je l’espère ; mon amour ne sera point frustré. Mes amis ont réprouvé la noble passion de mon cœur, sans connaître le sentiment qui l’agite. Si l’objet sacré de ma flamme ôtait le voile qui cache ses appâts , la pleine lune elle-même en emprunterait son éclat argentin. Je n’ose par respect nommer cette beauté divine que toutes les créatures étonnées admirent ; mais, lorsque mon amour violent ne peut se contenir, mes soupirs font entendre un de ses attributs.

          Je saisis avec la plus grande avidité les avis du hibou, et je jetai loin de moi les vêtements de l’amour-propre ; mais les passions semblaient me dire: Reste, reste avec nous.


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